Le dilemme des armes en Syrie

Une grande partie des responsables de Washington réclament à grands cris que le président Obama arme les rebelles syriens, mais la guerre civile en Syrie n'est pas sans rappeler la guerre antisoviétique en Afghanistan dans laquelle l'administration Reagan a fini par aider les islamistes radicaux qui se sont ensuite retournés contre les États-Unis. note l'ancien analyste de la CIA Paul R. Pillar.

Par Paul R. Pillar

au Canada Le fait que la plupart des armes envoyées en Syrie au nom du renversement du régime de Bachar al-Assad finissent entre les mains de « jihadistes islamiques purs et durs » rappelle une expérience similaire antérieure en Afghanistan.

Les États-Unis, l’Arabie Saoudite et d’autres pays étrangers souhaitaient apporter un soutien matériel aux rebelles afghans pour les aider à vaincre les Soviétiques et à renverser le régime de Najibullah installé par les Soviétiques à Kaboul. Travaillant par l’intermédiaire du Pakistan en tant qu’intermédiaire et intermédiaire, les donateurs extérieurs ont dû accorder leurs largesses à plusieurs milices afghanes différentes, qui constituaient collectivement la résistance armée en Afghanistan.

Le président syrien Bachar al-Assad. (Crédit photo : Fabio Rodrigues Pozzebom / ABr)

Environ la moitié des milices pourraient être qualifiées de jihadistes islamiques radicaux. Ce furent également les combattants les plus efficaces contre les Soviétiques. Si l’on voulait utiliser l’aide sous forme de livraisons d’armes pour vaincre les Soviétiques, et ce le plus tôt possible, c’étaient les principaux groupes qu’il fallait aider.

Lorsque Najibullah est finalement tombé en 1992 (trois ans après que l’Union soviétique a retiré ses propres troupes d’Afghanistan), il n’y a eu pratiquement aucune pause avant que les milices qui étaient alliées dans la guerre ne commencent à se battre entre elles. La guerre civile afghane est simplement entrée dans une nouvelle phase.

En plus du chaos qui en a résulté, ouvrant la voie à l’arrivée au pouvoir des talibans sur la majeure partie de l’Afghanistan quelques années plus tard, nous voyons aujourd’hui d’autres héritages de ce modèle d’aide extérieure d’il y a plus de 20 ans. L’un des éléments islamistes radicaux les plus puissants au milieu de la lutte contre les Soviétiques était la milice dirigée par Gulbuddin Hekmatyar, qui allait finir par être considérée comme un ennemi des États-Unis aux côtés des talibans eux-mêmes et des Groupe Haqqani.

En Syrie aujourd’hui comme en Afghanistan il y a trente ans, il est illusoire de penser que les États-Unis ou quiconque en dehors du combat puisse déterminer avec précision où vont les armes afin que nous ne traitions qu’avec des groupes qui nous plaisent tout en obtenant toujours une marge de manœuvre. retour sur investissement en termes d'accélération de la chute du régime contre lequel la lutte est dirigée. L’opposition en Syrie est encore plus désorganisée et désagrégée que ne l’était l’opposition en Afghanistan.

Il n’est pas possible d’espérer que l’aide accélérera la défaite d’Assad si elle se limite aux groupes « qui partagent nos valeurs », comme l’a dit Mitt Romney. Les groupes de résistance en Syrie opèrent dans un environnement dans lequel ils n’auraient guère l’occasion de démontrer leur adhésion à de telles valeurs.

Et même si les dirigeants de certains groupes semblent exprimer leur allégeance à des valeurs particulières, nous ne pouvons pas être sûrs que les mêmes concepts ou termes signifient la même chose pour eux que pour nous. De nombreuses personnes dans cette partie du monde, par exemple, croient que la démocratie ne signifie rien d’autre que le gouvernement de la majorité, la « majorité » étant définie en termes de quelque chose comme une secte religieuse.

Les États-Unis n’ont aucune possibilité de faire quoi que ce soit qui s’apparente à une gestion précise des flux d’armes. Ce n’est pas comme si la Defense Logistics Agency était sur place pour répartir le matériel. D’autres acteurs extérieurs sont nécessaires pour faciliter ce flux. Lors de la guerre en Afghanistan, le principal acteur extérieur à cet égard a été le Pakistan. Aujourd’hui, en Syrie, les Saoudiens et les Qataris semblent jouer un rôle particulièrement important. Ils seront probablement moins perturbés que nous par tout ce qui relève du djihadisme islamique pur et dur.

Nous ne devrions pas être surpris si en Syrie, comme en Afghanistan, les groupes les plus extrémistes tendent également à être les plus efficaces dans la conduite du combat. Ce qui se passe en Syrie n’est pas un processus pacifique de changement politique dans lequel nos « valeurs » auraient beaucoup d’importance. Il s’agit plutôt d’une guerre civile brutale. Les groupes brutalement extrêmes ont tendance à être dans leur élément dans les conflits brutalement extrêmes.

À la lumière de tout ce qui précède, nous ne devrions pas non plus être surpris que, malgré les inquiétudes incessantes sur ce qui se passe en Syrie et le souhait exprimé de voir ce conflit aboutir rapidement à une conclusion heureuse, personne n’ait proposé de bonnes idées. pour savoir comment faire ça.

Paul R. Pillar, au cours de ses 28 années à la Central Intelligence Agency, est devenu l'un des meilleurs analystes de l'agence. Il est aujourd'hui professeur invité à l'Université de Georgetown pour les études de sécurité. (Cet article est paru pour la première fois sous un blog  sur le site Web de National Interest. Reproduit avec la permission de l'auteur.)

 

1 commentaire pour "Le dilemme des armes en Syrie »

  1. FG Sanford
    Octobre 17, 2012 à 11: 17

    Je me demande quels « combattants de la liberté » les djihadistes du Moyen-Orient soutiendraient s’ils décidaient de choisir ceux qui « partagent leurs valeurs » aux États-Unis ? Avec tout cet argent du pétrole et la décision de Citizens United en pleine influence, je me demande dans combien de temps le « Tea Party » et diverses autres organisations religieuses fondamentalistes médiévales commenceront à recevoir de gros chèques ? Certains de ces types de mouvements de milice dans les Montanas apprécieront sûrement les possibilités. Après tout, les talibans n’ont eu aucune difficulté à remettre la prière dans LEURS écoles, n’est-ce pas ?

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